traduit à partir de http://www.chomsky.info/articles/20041217.htm par Michel Roudot
sous-titres du traducteur

La Présidence Impériale

Noam Chomsky

Canadian Dimension, janvier/février 2005 (Volume 39, Numéro 1)
Basé sur une conférence donnée à Toronto le 4 novembre 2004

Eveil de la Deuxième Superpuissance

Il va sans dire que ce qui arrive aux Etats Unis a un énorme impact sur le reste du monde et réciproquement : ce qui arrive dans le reste du monde ne peut manquer d'avoir un impact sur les Etats Unis, et de plusieurs façons.  D'abord, ça met des contraintes sur ce que même l'état le plus puissant peut faire.  Et ensuite, cela influence la composante américaine domestique de la deuxième superpuissance, comme le "New-York Times" décrivait piteusement l'opinion publique après les protestations énormes qui ont précédé l'invasion de l'Irak.  Ces protestations furent d'une façon critique un événement historique important, non seulement à cause de leur échelle sans précédent, mais aussi parce que c'était la première fois au cours des centaines d'années de l'histoire de l'Europe et de ses rejetons Nord-Américains qu'une guerre soulevait des protestations massives avant même qu'elle n'ait été officiellement lancée.  Nous pouvons nous rappeler, par comparaison, la guerre contre le Sud Viêt-Nam lancée par JFK en 1962, brutale et barbare depuis le début : bombardements, guerre chimique pour détruire les récoltes de nourriture afin d'affamer les civils soutenant la résistance indigène, programme de déportation de millions de gens dans des quasi camps de concentration ou des bidonvilles afin d'éliminer sa base populaire.  Avant que les protestations aient atteint une échelle substantielle, Bernard Fall, faucon spécialiste hautement respecté du Viêt-Nam et historien militaire, s'était demandé si le Viêt-Nam en tant qu'entité culturelle et historique échapperait à "l'extinction" car "la campagne meurt littéralement sous les coups de la plus grande machine militaire jamais lâchée sur un secteur de cette taille" particulièrement le Sud Viêt-Nam, systématiquement la cible principale des attaques des Etats Unis.  Et quand les protestations se sont finalement répandues, bien des années trop tard, elles ont surtout été dirigées contre les crimes périphériques : l'extension de la guerre contre le Sud au reste de l'Indochine crimes affreux, mais moindres.


Il est très important de se souvenir combien le monde a changé depuis lors. Comme presque toujours, ce n'est pas suite aux cadeaux de leaders bienveillants, mais grâce à une lutte populaire profondément engagée, beaucoup trop lente à se développer, mais en fin de compte efficace.  Une conséquence en fut que le gouvernement des Etats Unis ne put pas déclarer l'urgence nationale, ce qui aurait été favorable à l'économie, comme pendant la Deuxième Guerre Mondiale où le soutien public était très élevé.  Johnson a dû faire une guerre de compromis, subornant une population réticente, nuisant à l'économie, amenant en fin de compte les hommes d'affaires à se retourner contre la guerre car trop coûteuse, après que l'Offensive du Tet de janvier 1968 ait montré qu'elle durerait encore longtemps.  Les mémoires du Tsar économique d'Hitler, Albert Speer, décrivent un problème semblable.  Les Nazis ne pouvaient pas faire confiance à leur population et ne pouvaient donc pas mener une guerre aussi disciplinée que leurs ennemis démocratiques, ce qui a probablement sérieusement affecté le résultat, étant donné leur avance technologique.  Il y avait aussi une inquiétude des élites américaines sur l'augmentation de la conscience sociale et politique, stimulée par l'activisme des années 60, essentiellement en réaction aux crimes misérables d'Indochine, qui ont fini par réveiller l'indignation populaire.  Nous apprenons dans les dernières sections des Pentagon Papers qu'après l'offensive du Tet, le commandement militaire répugnait à suivre l'engagement Présidentiel de nouveaux déploiements de troupe, voulant être sûr que "des forces suffisantes seraient toujours disponible pour le contrôle de désordres civils" aux Etats Unis et craignant que l'escalade risque "de provoquer une crise intérieure de dimensions sans précédent .

L'administration Reagan - l'administration actuelle ou leurs mentors immédiats - considérait que le problème d'une population éveillée indépendante avait été surmonté et projetait apparemment de suivre en Amérique Centrale le modèle de Kennedy du début des années 1960.  Mais elle dut reculer face à des protestations publiques imprévues, se tournant alors vers la guerre clandestine par l'emploi de forces de sécurité meurtrières et d'un énorme réseau de terreur international.  Les conséquences furent épouvantables, mais pas autant que les B-52 et les opérations de massacres du genre de celles qui culminaient quand John Kerry était au milieu du Delta du Mekong dans le Sud, à ce moment-là en grande partie dévasté.  La réaction populaire, même à la guerre clandestine, comme on disait, s'étendit sur des bases entièrement nouvelles.  Les mouvements de solidarité pour l'Amérique Centrale, maintenant dans beaucoup de parties du monde, sont aussi quelque chose de nouveau dans l'histoire de l'Occident.


Les chefs d'états ne peuvent manquer de prêter attention à ces questions.  Par habitude, un Président nouvellement élu demande une évaluation par le renseignement de la situation du monde.  En 1989, quand Bush 1er est entré en fonction, il y eut une fuite.  Elle prévenait qu'en attaquant des ennemis beaucoup plus faibles la seule cible sensée les Etats Unis devaient gagner d'une manière décisive et rapide . Un retard pourrait réduire le support politique, identifié comme mince, un grand changement depuis les années Kennedy-Johnson où l'attaque contre l'Indochine, bien qu'elle n'ait jamais été populaire, n'avait soulevé que peu de réaction pendant de nombreuses années.

Le monde est plutôt épouvantable aujourd'hui, mais il est bien meilleur qu'hier, non seulement en ce qui concerne la réticence à tolérer l'agression, mais aussi de beaucoup d'autres façons, que nous avons maintenant tendance à considérer comme allant de soi.  Il y a des leçons très importantes ici, que nous devrions toujours garder à l'esprit pour la raison même qu'elles sont néantisées dans la culture de l'élite.

Agression vietnamienne contre le Vietnam

Nous pourrions nous attarder un instant à nous souvenir du rôle du Canada dans les guerres d'Indochine, parmi les pires crimes du siècle dernier.  Le Canada était un membre de la Commission Internationale de Contrôle pour l'Indochine, théoriquement neutre, espionnant en fait pour les agresseurs. Nous apprenons d'archives canadiennes récemment déclassifiées que le Canada a éprouvé quelques inquiétudes sur quelques mesures particulières de l'armée des Etats-Unis contre [le Nord Viêt-Nam], mais supporte les buts et les objectifs de la politique des Etats-Unis dans son opposition à l'agression d'un type spécial des Vietnamiens du Nord. On ne doit pas permettre à cette agression vietnamienne contre le Viêt-Nam de réussir, non seulement à cause des conséquences possibles au Viêt-Nam, qui ne faisait toujours pas face à une menace "d'extinction" à l'époque, mais aussi parce que si le Viêt-Nam survit en tant qu'entité culturelle et historique viable, l'agression des Vietnamiens pourrait constituer un précédent pour d'autres guerres prétendument de libération. Le concept d'agression vietnamienne au Viêt-Nam contre les défenseurs américains du pays a des précédents intéressants, que par politesse je ne mentionnerai pas.  Il est particulièrement saisissant parce que les observateurs Canadiens étaient sûrement conscients qu'à ce moment il y avait plus de mercenaires américains au Sud Viêt-Nam au sein de l'armée d'invasion américaine qu'il n'y avait de Vietnamiens du Nord même si nous supposons que d'une façon ou d'une autre les Vietnamiens du Nord n'ont rien à faire au Viêt-Nam.  Et les mercenaires des Etats Unis, comme la bien plus grande armée américaine, menaçaient le Sud Viêt-Nam "d'extinction" par des opérations massives de terreur directement au coeur du pays, tandis que "les agresseurs" vietnamiens du Nord étaient à la périphérie, essayant principalement d'attirer les forces d'invasion vers les frontières, à un moment où le Nord Viêt-Nam aussi était bombardé.  C'est resté le cas, selon le Pentagone, pendant bien des années après ces rapports du gouvernement canadien.

Les historiens de la diplomatie qui ont exploré les archives canadiennes n'ont pas signalé d'inquiétudes sur l'attaque contre le Sud Viêt-Nam, qui au moment de ces communications internes, détruisait le pays.   Le distingué homme d'Etat Lester Pearson était allé bien plus loin.  Il informa la Chambre des Communes au début des  années 1950 que "l'agression" par les Vietnamiens contre la France au Viêt-Nam n'était qu'un des éléments de l'agression communiste mondiale, et que l'autorité coloniale soviétique en Indochine semblait être plus forte que celle de la France cela se passait quand la France essayait (avec le soutien américain) de reconquérir ses anciennes colonies indochinoises, sans un Russe où que ce soit dans le voisinage, même un contact, comme la C.I.A. dut l'admettre après un effort désespéré pour en trouver.  Il faut chercher assez loin pour trouver une dévotion plus fervente pour des crimes impériaux que les déclarations de Pearson.

La Grosse Bête

Sans oublier le progrès très significatif des sociétés vers plus de civilisation dans les années passées et les raisons de celui ci, concentrons nous néanmoins sur le présent et sur les notions de souveraineté impériale développées actuellement.  Il n'est pas surprenant que quand la population devient plus civilisée, les systèmes de pouvoir deviennent plus extrêmes dans leurs efforts pour contrôler la grosse bête (comme les Pères fondateurs appelaient le peuple).  Et la grosse bête est effectivement effrayante : je reviendrai sur les vues majoritaires sur les principaux problèmes, qui sont si loin à gauche du spectre des commentaire de l'élite et de l'arène électorale qu'ils ne peuvent pas être même mentionnés un élément supplémentaire qui est une leçon importante pour ceux qui n'aiment pas ce qui est fait en leurs noms.

La Chine espoir de Paix

La conception de la souveraineté présidentielle élaborée par les réactionnaires statistes radicaux de l'administration Bush est si extrême qu'elle a attiré des critiques sans précédent dans les cercles les plus modérés et respectés de l'establishment.  Ces idées ont été transmises au Président par le Procureur Général nouvellement nommé, Alberto Gonzales qui est dépeint par la Presse comme un modéré.  Elles sont discutées par Sanford Levinson, professeur respecté de droit constitutionnel, dans l'actuelle édition du journal de l'Académie Américaine des Arts et des Sciences.  Levinson écrit que cette conception est basée sur le principe qu'il "n'existe aucune norme applicable au chaos." La citation, commente Levinson, est de Carl Schmitt, le principal philosophe allemand de la justice pendant la période Nazie, que Levinson décrit comme la véritable éminence grise de l'administration Bush. L'administration, conseillée par Gonzales, a conçu une vision de l'autorité présidentielle qui est on ne peut plus proche du pouvoir que Schmitt désirait accorder à son Führer, écrit Levinson.

On entend rarement de tels mots provenant du coeur de l'establishment.


Le même numéro du journal contient un article de deux analystes stratégiques en vue sur la transformation de l'armée, composante centrale des nouvelles doctrines de souveraineté impériale : la croissance rapide de l'armement offensif, y compris la militarisation de l'espace rejointe apparemment par le Canada - et d'autres mesures conçues pour placer le monde entier en danger d'annihilation instantanée.  Celles-ci ont déjà stimulé les réactions prévues de la Russie et récemment de la Chine.  Les analystes concluent que ces programmes américains peuvent mener à la ruine ultime. Ils expriment leur espoir qu'une coalition d'états pacifiques s'unira en opposition au militarisme et à l'agressivité américaine, menée par ... la Chine.  Nous sommes dans une drôle de passe quand de tels sentiments sont exprimés dans des cercles respectables et pondérés qui ne s'adonnent pas aux hyperboles.  Et quand la foi dans la démocratie américaine est si mince qu'ils comptent sur la Chine pour nous protéger de marcher au pas vers la ruine ultime.  C'est à la deuxième superpuissance de décider si ce mépris pour la grosse bête est mérité.

Bush passible de la peine capitale

Pour revenir à Gonzales, il a transmis au Président les conclusions du Département de la Justice selon lesquelles le Président a autorité pour annuler la Convention de Genève - la loi suprême de la terre, la fondation de la loi humanitaire internationale moderne.  Et Gonzales, qui était alors le conseiller juridique de Bush, l'a informé que ce serait une bonne idée, parce que l'annulation de la Convention réduit considérablement la menace de poursuite criminelle intérieure [sur les membres de l'administration] qui se référerait à l'Acte sur les Crimes de Guerre de 1996, lequel prévoit la peine de mort pour des infractions graves à la Convention de Genève.


Nous pouvons parfaitement voir aux unes d'aujourd'hui pourquoi le Ministère de la Justice avait raison de s'inquiéter de ce que le Président et ses conseillers puissent être soumis à la peine de mort conformément aux lois passées par le Congrès Républicain en 1996 et bien sûr conformément aux principes du Tribunal de Nuremberg, si tant est que quelqu'un les prenne au sérieux.

Il y a deux semaines, le New York Times faisait sa une sur un compte rendu de la conquête de l'Hôpital Général de Falluja.  Il annonçait que des patients et des employés de l'hôpital ont été éjectés des chambres par des soldats armés et qu'on leur a ordonné de s'asseoir ou de se coucher sur le sol tandis que les soldats liaient leurs mains derrière leur dos . Une photographie illustrait la scène.  Elle était présentée comme un succès important. L'offensive a aussi arrêté ce que les officiers présentaient comme une arme de propagande pour les militants : l'Hôpital Général de Falluja, avec son flot de comptes rendus de victimes civiles. Et ces chiffres "gonflés" gonflés parce que notre Cher Leader les qualifie ainsi - enflammaient l'opinion dans tout le pays et la région, exagérant les coûts politiques du conflit. Le mot "conflit" est un euphémisme commun pour l'agression américaine, comme quand nous lisons sur les mêmes pages que les Etats Unis doivent maintenant reconstruire ce que le conflit vient de détruire : juste le conflit, sans acteur, comme un ouragan.


Retournons à la photo et à l'histoire de la fermeture de l'arme de propagande.   Il y a quelques documents pertinents, y compris la Convention de Genève, qui dit : les établissements permanents et les unités médicales mobiles du Service Médical ne peuvent en aucune circonstance être attaqués, mais seront à tout moment respectés et protégés par les Parties au conflit. Donc la une du principal journal mondial dépeint gaiement des crimes de guerre pour lesquels la direction politique du pays pourrait être condamnée à mort conformément à la loi américaine.  Pas étonnant que le nouveau Procureur Général modéré ait averti le Président qu'il devrait utiliser l'autorité constitutionnelle concoctée par le Ministère de la Justice pour annuler la loi suprême de la terre, en adoptant le concept de souveraineté présidentielle inventée par le principal conseiller juridique d'Hitler, vraie éminence grise de l'administration Bush, selon un conservateur distingué qui fait autorité en matière de loi constitutionnelle, et qui l'écrit dans le journal probablement le plus respectable et pondéré du pays.

Le plus grand journal du monde nous dit aussi que l'armée des Etats Unis a atteint presque tous ses objectifs bien en avance sur le planning", en laissant la plus grande partie de la ville sous forme de ruines fumantes". Mais ça ne fut pas un succès complet. Il n'y a guère d'évidence de "rats" morts dans leur "tanières ou dans les rues, ce qui reste un mystère persistant . Les journalistes intégrés aux troupes ont effectivement trouvé le cadavre d'une femme, quoiqu'on ne "sache pas si elle était iraquienne ou étrangère, apparemment la seule question qui vienne à l'esprit.


La une cite un commandant de Marines qui dit que ça devrait avoir sa place dans les livres d'histoire. Peut-être que ça le devrait.  Dans ce cas nous savons précisément sur quelle page de l'histoire ça a sa place et qui sera juste à côté, en compagnie de ceux qui le louent ou même d'ailleurs le tolèrent.  Du moins, nous le savons si nous sommes capables d'être honnêtes.

On pourrait mentionner au moins certains des homologues récents qui viennent immédiatement à l'esprit, comme la destruction russe de Grozny il y a 10 ans, une ville de la même taille.  Ou Srebrenica, presque universellement décrit comme un "génocide" à l'Ouest.  Dans ce cas, comme nous le savons en détail par le rapport du gouvernement hollandais et d'autres sources, l'enclave Musulmane dans le territoire serbe, insuffisamment protégée, fut utilisée comme base pour des attaques contre des villages serbes et quand la réaction prévue arriva, elle fut terrible.  Les Serbes chassèrent tout le monde sauf les hommes d'âge militaire et entrèrent ensuite les tuer.  Il y a des différences avec Falluja.  Les femmes et les enfants n'ont pas été chassés de Srebrenica par des bombardements, mais transportés par camions et il n'y aura aucun effort exhaustif pour exhumer le dernier cadavre de rat des tanières de Falluja.  Il y a d'autres différences, probablement défavorables aux Serbes.


On pourrait argumenter que tout cela n'a aucun rapport.  Le Tribunal de Nuremberg, expliquant clairement la Charte de l'ONU, déclara que l'initiation d'une guerre d'agression est le crime international suprême différant seulement des autres crimes de guerre en ce qu'il contient en lui le mal accumulé de tous les autres c'est à dire les crimes de guerre de Falluja et Abu Ghraib, le doublement de la sous-alimentation aiguë chez les enfants depuis l'invasion (maintenant au même niveau qu'au Burundi, beaucoup plus grave qu'à Haïti ou en Ouganda) et toutes les autres atrocités.  Ceux qui furent jugés pour avoir eu quelque rôle que ce soit dans le crime suprême - par exemple, le Ministre des Affaires Etrangères allemand furent condamnés à mort par pendaison.  Le Tribunal de Tokyo fut beaucoup plus sévère.  Il y a un livre très important sur le sujet par l'avocat international canadien Michael Mandel, qui passe en revue avec des détails convaincants la façon dont les puissants sont auto-immunisés contre la loi internationale.

Le Crime que vous avez commis mais pas Nous

En fait, le Tribunal de Nuremberg lui-même a établi ce principe.  Pour poursuivre en justice les criminels Nazis, il était nécessaire d'établir les définitions du crime de guerre et du crime contre l'humanité. Telford Taylor, conseiller principal de l'accusation et avocat international et historien reconnu, explique comment on s'y est pris :

Puisque les deux côtés dans la Deuxième Guerre mondiale avaient joué le jeu épouvantable des destructions urbaines les Alliés avec beaucoup plus de succès il n'y avait aucune base pour des charges criminelles contre les Allemands ou les Japonais et en fait aucune charge de ce type n'a été invoquée... Le bombardement aérien avait été utilisé si largement et impitoyablement du côté Allié aussi bien que du côté de l'Axe que ni à Nuremberg ni Tokyo la question n'a été évoquée lors des procès.


La définition opérationnelle de "crime" est : le Crime que vous avez commis, mais pas nous. Pour souligner le fait, les criminels de guerre Nazis ont été absous quand la défense a pu montrer que leurs homologues américains avaient commis les mêmes crimes.

Taylor conclut que punir l'adversaire, particulièrement l'adversaire vaincu, pour une conduite que la nation qui juge a elle même eue, serait si grossièrement inéquitable que cela discréditerait les lois elles-mêmes. C'est correct, mais la définition opérationnelle discrédite aussi les lois elles-mêmes, ainsi que tous les tribunaux suivants.  Taylor présente ce contexte comme une partie de son argumentation selon laquelle le bombardement du Viêt-Nam par les Etats-Unis n'était pas un crime de guerre.  Son argument est plausible, discréditant encore plus les lois elles-mêmes.  Certaines des enquêtes judiciaires suivantes sont discréditées de façons peut-être encore plus extrêmes, comme le procès Yougoslavie contre OTAN actuellement jugé par la Cour Internationale de Justice.  Les Etats Unis ont été excusés, correctement, sur la base de l'argument qu'ils ne sont pas soumis à la juridiction de la Cour dans ce procès.  La raison en est que quand les Etats Unis ont finalement signé la Convention sur le Génocide (qui est en question ici) au bout de 40 ans, ils l'ont fait avec une réserve disant qu'elle est inapplicable aux Etats-Unis.

Pouvoir constitutionnel d'ordonner un génocide

Dans un commentaire outragé sur les efforts des juristes du Ministère de la Justice pour démontrer que le Président a le droit d'autoriser la torture, le Doyen de la Faculté de droit de Yale, Howard Koh, a dit que "la notion selon laquelle le président a le pouvoir constitutionnel d'autoriser la torture est comme de dire qu'il a le pouvoir constitutionnel de commettre un génocide." Les conseillers juridiques du Président et le nouveau Procureur Général, devraient avoir peu de difficulté à soutenir que le Président a effectivement ce droit si la deuxième superpuissance lui permet de l'exercer.


La doctrine sacrée de l'auto-immunisation sera sûrement appliquée au procès de Saddam Hussein, s'il est jamais tenu.  Nous le voyons chaque fois que Bush, Blair et d'autre personnalités du gouvernement et des commentateurs se lamentent sur les crimes épouvantables de Saddam Hussein, omettant toujours bravement les mots : avec notre aide, parce que nous n'en avions rien à faire. Sûrement on ne permettra à aucun tribunal d'évoquer le fait que les présidents américains, de Kennedy jusqu'à aujourd'hui, en compagnie des présidents français et des premiers ministres britanniques et des entreprises occidentales, ont été complice des crimes de Saddam, parfois de façon affreuse, y compris les titulaires actuels et leurs mentors.  En mettant en place le tribunal pour Saddam, le Département d'Etat a consulté le professeur Charif Bassiouni, expert juridique américain, récemment cité pour avoir dit : "Tous les efforts sont faits pour avoir un tribunal dont le pouvoir judiciaire n'est pas indépendant, mais contrôlé et par contrôlé je veux dire que les manipulateurs politiques du tribunal doivent s'assurer que les Etats Unis et d'autres puissances occidentales ne sont pas mises en cause. Cela le fait ressembler à la vengeance du vainqueur : cela le fait apparaître ciblé, sélectif, inéquitable. C'est un subterfuge." Ce n'était pas la peine de le préciser.

Guerre préemptive

Le prétexte pour l'agression USA-UK en Irak est ce qu'on appelle le droit à l'autodéfense anticipée, appelé maintenant parfois "la guerre préemptive par perversion radicale de ce concept.  Le droit à l'autodéfense anticipée a été affirmé officiellement dans la Stratégie de Sécurité Nationale (NSS) de l'administration Bush en septembre 2002, déclarant le droit de Washington à recourir à la force pour éliminer n'importe quel défi potentiel à sa dominance mondiale.  La NSS a été largement critiquée dans l'élite de la politique étrangère, commençant par un article immédiat dans le principal journal de l'establishment Foreign Affairs, avertissant que la nouvelle grande stratégie impériale pouvait être très dangereuse. La critique a continué, toujours à un niveau sans précédent, mais sur des bases limitées : ce n'est pas que la doctrine elle-même était mauvaise, mais plutôt son style et la manière de la présenter.  Le secrétaire d'Etat de Clinton, Madeleine Albright, a résumé correctement la critique, dans Foreign Affairs également.  Elle a mis en évidence que chaque Président a une telle doctrine dans sa poche arrière, mais qu'il est simplement idiot de la jeter à la figure des gens et de la mettre en oeuvre d'une façon qui mettra en fureur même les alliés.  Cela menace les intérêts américains et c'est donc mauvais.

Albright savait, bien sûr, que Clinton avait une doctrine semblable.  La doctrine de Clinton préconisait "l'utilisation unilatérale de la puissance militaire" pour défendre les intérêts vitaux, comme "l'assurance de l'accès sans restrictions aux marchés clés, à l'énergie et aux ressources stratégiques," sans même les prétextes que Bush et Blair ont inventés.  Prise littéralement, la doctrine de Clinton est plus expansionniste que la NSS de Bush.  Mais la doctrine plus expansionniste de Clinton a été à peine même mentionnée.  Elle a été présentée avec le juste style et mise en oeuvre moins effrontément.

Nous, pas eux

Henry Kissinger décrit la doctrine de Bush comme "révolutionnaire", mettant en évidence qu'elle sape le système d'ordre international issu au 17ème siècle du traité de Westphalie et bien sûr la Charte des Nations Unies et la loi internationale.  Il approuve la doctrine, mais avec des réserves sur le style et la tactique et avec une interprétation cruciale : elle ne peut pas être un principe universel utilisable par chaque nation. Au contraire le droit d'agression doit être réservé aux Etats Unis, délégué peut-être à des clients choisis.  Nous devons fortement rejeter le principe d'universalité qui consiste à appliquer à nous mêmes les mêmes standards que nous appliquons à d'autres, de plus rigoureux si nous sommes sérieux. Kissinger doit être loué pour son honnêteté à exprimer clairement la doctrine dominante, cachée d'habitude sous des protestations d'intentions vertueuses et des légalismes torturés.  Et il comprend son auditoire instruit.  Comme il s'y attendait sans aucun doute, il n'y eut aucune réaction.

Sa compréhension de son auditoire a été de nouveau illustrée, assez radicalement, en mai dernier, quand les archives Kissinger-Nixon ont été déclassifiées malgré les fortes objections de Kissinger.  Il y eut un compte-rendu dans le premier journal du monde.  Il mentionnait incidemment les ordres de bombarder le Cambodge que Kissinger avait transmis de Nixon aux commandants militaires. Pour citer Kissinger,  une campagne de bombardements massifs au Cambodge. Tout ce qui vole sur tout ce qui bouge." C'est rare de voir un appel à des crimes de guerre horribles que nous n'hésiterions pas à appeler "génocide" si d'autres en étaient responsables être si crus et explicites. C'est peut être plus que rare; il serait intéressant de voir si on trouve un autre exemple dans les archives. La publication n'a soulevé aucune réaction, réfutant le Doyen Koh.  Apparemment, il est considéré comme allant de soi dans la culture de l'élite que le Président et son Conseiller à la Sécurité Nationale ont vraiment le droit d'ordonner un génocide.

Imaginez la réaction si l'accusation au Tribunal pour Milosevic pouvait trouver quoi que ce soit de vaguement semblable.  Ils seraient ravis, le procès serait fini, Milosevic serait plusieurs fois condamné à perpétuité, à mort si le Tribunal adhérait à la loi américaine.   Mais c'est eux, pas nous.  La distinction est un principe fondamental de la culture intellectuelle de l'élite occidentale et en fait, à travers l'histoire entière.


Le principe d'universalité est le plus élémentaire de truismes moraux.  C'est la fondation de la théorie de la Guerre Juste et en fait de tout système d'action qui mérite autre chose que le mépris.  Le rejet de tels truismes moraux est si profondément enraciné dans la culture intellectuelle qu'il en devient invisible.  Pour illustrer de nouveau à quel point il est profondément enfoui, revenons au principe de l'autodéfense anticipée, adopté comme légitime par les deux organisations politiques aux Etats Unis, et à travers pratiquement tout le spectre des opinions exprimées, sauf les marginaux habituels.  Le principe a quelques corollaires immédiats.  Si on accorde aux Etats Unis le droit de l'autodéfense anticipée contre la terreur, alors, certainement, Cuba, le Nicaragua et un paquet d'autres ont depuis longtemps eu des justifications pour commettre des actes terroristes aux Etats Unis parce qu'il n'y a aucun doute sur son implication dans des attaques terroristes très sérieuses contre eux, largement documentées dans des sources indubitables, et même, dans le cas du Nicaragua, condamnées par la Cour Internationale de Justice et le Conseil de Sécurité (dans deux résolutions auxquelles les Etats Unis ont mis leur veto, la Grande-Bretagne s'abstenant loyalement ).  La conclusion que Cuba et le Nicaragua, parmi de nombreux autres, ont depuis longtemps le droit de commettre des atrocités terroristes aux Etats Unis est bien sûr tout à fait atroce et n'est préconisée par personne.  Et grâce à notre immunité auto-déterminée vis-à-vis des truismes moraux, il n'y a aucune crainte que quiconque tirera les atroces conclusions.

Il y a encore plus atroce.  Personne, par exemple, ne célèbre le jour de Pearl Harbor en applaudissant les dirigeants fascistes du Japon Impérial.  Mais selon nos standards, le bombardement de bases militaires dans les colonies américaines de Hawaii et des Philippines semble plutôt inoffensif.  Les dirigeants japonais savaient que des B-17 Forteresses Volantes sortaient des chaînes de production de Boeing et ils étaient sûrement familiers avec les discussions publiques aux Etats Unis expliquant comment elles pourraient être utilisées pour incinérer les villes en bois du Japon dans une guerre d'extermination, au départ des bases Hawaïennes et Philippines -  pour mettre en flammes le coeur industriel de l'Empire avec des bombes incendiaires lancées sur les grouillantes fourmilières de bambou, comme le Général de l'Armée de l'Air en retraite Chennault le recommandait en 1940, une proposition qui enchantait tout simplement le Président Roosevelt.  C'est une justification beaucoup plus sérieuse pour une autodéfense anticipée que quoi que ce soit qu'ont imaginé Bush-Blair et leurs associés - et qui fut accepté, avec des réserves tactiques, dans la totalité de l'opinion exprimée par les médias.

Heureusement, nous sommes de nouveau protégés de conclusions aussi politiquement incorrectes par le rejet de principe des truismes moraux élémentaires.

Les causes suivent les conséquences

On peut aligner les exemples pratiquement au hasard.  Pour en ajouter un dernier, considérez l'acte d'agression le plus récent de l'OTAN avant l'invasion USA-UK de l'Irak : le bombardement de la Serbie en 1999.  La justification en est censée être qu'il n'y avait aucune option diplomatique et qu'il était nécessaire d'arrêter le génocide en cours.  Il est facile de vérifier ces affirmations.

En ce qui concerne les options diplomatiques, quand le bombardement commença, il y avait deux propositions sur la table, une de l'OTAN et une serbe et après 78 jours de bombardements un compromis a été atteint entre elles formellement du moins : il a été immédiatement sapé par l'OTAN.  Tous cela a rapidement disparu dans les brumes de l'histoire inacceptable, si toutefois on l'a jamais mentionné.

En ce qui concerne le génocide en cours pour utiliser le terme qui est apparu des centaines de fois dans la Presse pendant que l'OTAN accélérait son engagement pour la guerre ?   C'est exceptionnellement facile à examiner.  Il y a deux études documentaires majeures par le Département d'Etat, présentées pour justifier le bombardement, ainsi que des archives documentaires complètes de l'OSCE, de l'OTAN et d'autres sources Occidentales et une Enquête Parlementaire britannique détaillée.  Toutes convergent sur les faits de base : les atrocités ont suivi le bombardement; ils n'étaient pas sa cause.  En outre, ceci avait été prévu par le commandement de l'OTAN, comme le général Wesley Clark en a informé la Presse immédiatement et comme il l'a confirmé plus en détail dans ses mémoires.  L'acte d'accusation de Milosevic, publié pendant le bombardement - sûrement comme arme de propagande, malgré des démentis invraisemblables - et reposant sur le renseignement USA-UK comme il a immédiatement été annoncé, aboutit à la même conclusion : pratiquement toutes les charges sont postérieures au bombardement.  De tels désagréments sont très aisément pris en compte : la documentation occidentale est généralement expurgée dans les médias et même dans les études universitaires. Et la chronologie est régulièrement inversée, pour que les conséquences prévues du bombardement soient transmuées dans ses causes.  J'ai passé en revue ailleurs en détail cette histoire sordide et je n'en dirai pas plus ici.

Il y a eu en effet des atrocités antérieures aux bombardements, environ 2000 tués l'année avant le bombardement de mars 1999, selon des sources occidentales.  Les Anglais, l'élément le plus belliciste de la coalition, affirment de façon stupéfiante difficile à croire simplement en raison de l'équilibre des forces que jusqu'à janvier 1999, la plus grande partie des meurtres était commise par la guérilla albanaise KLA, attaquant des civils et des soldats par des raids trans-frontaliers dans l'espoir de susciter une réponse serbe violente qui pourrait être utilisée dans des buts de propagande à l'Ouest, comme ils l'ont candidement annoncé, apparemment avec le soutien de la C.I.A. dans les derniers mois.  Les sources occidentales n'indiquent aucun changement substantiel jusqu'à ce que le bombardement ait été annoncé et que les inspecteurs soient évacués quelques jours avant le bombardement de mars.   Dans l'un des rares travaux universitaires qui mentionne la documentation exceptionnellement riche, Nicholas Wheeler conclut que 500 parmi les 2000 ont été tués par des Serbes.  Il soutient le bombardement en raison du fait qu'il y aurait eu des atrocités serbes pires si l'OTAN n'avait pas bombardé, suscitant les crimes anticipés.  Voilà le travail scientifique le plus sérieux.  La Presse et la plupart des universitaires, ont choisi la voie plus facile d'ignorer la documentation occidentale et d'inverser la chronologie.  C'est une réussite impressionnante, instructive aussi, au moins pour ceux qui se soucient de leurs pays.

La population approuve

Il est vraiment trop facile de continuer. > Mais cette série - désagréablement cohérente - laisse ouverte une question cruciale : comment la grosse bête , la composante domestique américaine de la deuxième superpuissance, réagit elle ?

La réponse conventionnelle est que la population approuve tout cela, comme vient de le montrer de nouveau l'élection de George Bush.  Mais comme c'est souvent le cas, un regard plus précis est utile.

Chaque candidat a reçu environ 30 % du vote des grands électeurs, Bush un peu plus, Kerry un peu moins. La répartition générale des votes les détails ne sont pas encore disponibles - était proche des élections de 2000; à peu près les mêmes états "rouges" et "bleus", selon la métaphore conventionnelle.  Quelques pour cent de glissement dans le vote auraient envoyé Kerry à la Maison Blanche.  Aucun des deux résultats ne peut nous en dire beaucoup sur l'humeur du pays, ou même des électeurs.  Les problèmes sérieux ont été comme d'habitude maintenus hors de la campagne, ou présentés si obscurément que peu de gens pouvaient comprendre.


Il est important de se souvenir que les campagnes politiques sont conçues par les mêmes gens qui vendent du dentifrice et des voitures.  Leur souci professionnel dans leur vocation ordinaire n'est pas de fournir de l'information.  Leur but est, plutôt, la duperie.  Leur tâche est de saper le concept de marché que l'on nous apprend à révérer, qui comporte des consommateurs informés faisant des choix rationnels (les contes sur l'initiative entrepreneuriale ne sont pas moins imaginaire). Au contraire, les consommateurs doivent être trompés par des images.  Il n'est pas vraiment surprenant que la même concentration sur la duperie et les techniques similaires prévalent quand on leur donne la tâche de vendre des candidats, afin de saper la démocratie.

Ce n'est pas vraiment un secret.  Les sociétés ne dépensent pas des centaines de milliards de dollars dans la publicité chaque année pour informer le public des faits disons, lister les caractéristiques des voitures de l'année prochaine, comme cela se passerait dans une inimaginable société de marché basée sur le choix rationnel de consommateurs informés.  Observer cette doctrine de foi serait simple et bon marché.  Mais la duperie est plutôt coûteuse : des graphismes complexes montrant la voiture avec une actrice sexy, ou un héros sportif, ou montant à une falaise à pic, ou tout autre dispositif pour projeter une image qui pourrait tromper le consommateur dans l'achat de cette voiture plutôt que le produit pratiquement identique d'un concurrent.  Il en est de même des élections, menées par la même industrie des Relations Publiques.   Le but est de projeter des images, et de tromper le public pour qu'il les accepte, en masquant les problèmes pour de bonnes raisons, j'y reviendrai.

Valeurs morales

La population semble saisir la nature du spectacle.  Immédiatement avant les élections de 2000, environ 75 % le considéraient comme pratiquement sans signification, une espèce de jeu impliquant des riches donateurs, des chefs de partis et des candidats qui sont formés pour projeter des images qui cachent les problèmes, mais pourraient gagner quelques votes de plus c'est probablement la raison pour laquelle l'élection volée a été un souci de l'élite qui n'a pas semblé soulever beaucoup d'intérêt; si les élections ont autant de signification que de jouer à pile ou face pour choisir le Roi, qui se soucie si la pièce de monnaie a été pipée ?  Juste avant l'élection de 2004, environ 10 % des électeurs disaient que leur choix serait basé sur "l'agenda/idées/plate-formes/buts" du candidat; 6 % des électeurs de Bush, 13 % des électeurs de Kerry.  Pour le reste, le choix serait basé sur ce que l'industrie appelle "des qualités" et "des valeurs". Le candidat projette-t-il l'image d'un leader fort, la sorte de type que vous voudriez rencontrer dans un bar, quelqu'un qui se soucie vraiment de vous et qui est comme vous ?  Il ne serait pas surprenant d'apprendre que Bush est soigneusement formé pour dire "nucular et "misunderestimate et d'autres stupidité que les intellectuels aiment à ridiculiser.  C'est probablement aussi réel que le ranch construit pour lui et le reste du comportement populo.  Après tout, ça ne marcherait pas de le présenter comme un membre pourri de la mafia de Yale devenu riche et puissant grâce à ses relations riches et puissantes.  Au contraire l'image doit être celle d'un type ordinaire, juste comme nous, qui nous protégera et qui partage nos valeurs morales, plus que le véliplanchiste chasseur de canards qui peut être accusé de truquer ses médailles.

Bush a obtenu une large majorité parmi les électeurs qui disaient être principalement concernés par les valeurs morales et "le terrorisme". Nous apprenons tout ce que nous avons à savoir des valeurs morales de l'administration en lisant la presse économique le lendemain de l'élection, décrivant "l'euphorie" dans les conseils d'administration et pas parce que les PDGs sont opposés au mariage gay.  Ou en observant le principe, à peine caché, que les très importantes dépenses induites par les planificateurs de Bush, par les services rendus au pouvoir et la richesse, devront être imputées à nos enfants et petits-enfants, y compris les dépenses fiscales, la destruction environnementale et peut-être la ruine ultime. Voilà les valeurs morales, reçues 5 sur 5.

Pouvoir de Veto

L'engagement des planificateurs de Bush pour la défense contre le terrorisme est illustré le plus radicalement, peut-être, par leur décision d'intensifier la menace de la terreur, comme cela avait été prévu par leurs propres agences de renseignement, non pas parce qu'ils aiment les attaques terroristes contre les Américains, mais parce que c'est, simplement, une basse priorité pour eux - sûrement en comparaison de buts tels que l'établissement de bases militaires sécurisées dans un état client situé au coeur des ressources énergétiques mondiales, reconnu depuis la Deuxième Guerre mondiale comme la zone stratégiquement la plus importante au monde, une source extraordinaire de puissance stratégique et une des plus grandes valeurs matérielles dans l'histoire du monde. Il est capital de s'assurer que des profits au-delà des rêves d'avarice pour citer un historien majeur de l'industrie pétrolière coulent dans les justes directions : dans les sociétés d'énergie américaines, le Ministère de l'Economie et des Finances, l'industrie américaine des hautes technologies (militaires) et les énormes entreprises de construction, et caetera.  Et encore plus importante est l'extraordinaire puissance stratégique.  Avoir une prise ferme sur le robinet garantit le pouvoir de veto sur les rivaux, comme George Kennan l'a mis en évidence il y a plus de 50 ans.  Dans la même veine, Zbigniew Brzezinski a récemment écrit que le contrôle de l'Irak donne aux Etats Unis l'effet de levier critique sur les économies européennes et asiatiques, un souci majeur des planificateurs depuis la Deuxième Guerre Mondiale.

Les rivaux doivent conserver leurs responsabilités régionales dans la structure d'ordre globale gérée par les Etats Unis, comme Kissinger les en a instruit dans son adresse l'Année de l'Europe il y a 30 ans.  C'est encore plus urgent aujourd'hui, alors que les principaux rivaux menacent de suivre un cours indépendant, peut-être même unis. L'UE et la Chine sont devenus le principal partenaire économique l'un de l'autre en 2004 et ces liens se resserrent, incluant la deuxième force économique du monde, le Japon. Un effet de levier critique est plus important que jamais pour le contrôle mondial dans le monde tripolaire qui s'est développé depuis plus de 30 ans.  En comparaison, la menace de la terreur est une considération mineure bien qu'on la sache imposante; bien avant 9/11 on comprenait que tôt ou tard, la terreur Djihadiste organisée par les Etats Unis et ses alliés dans les années 1980 se combinerait probablement avec les ADM, avec des conséquences horrifiantes.

Remarquez que la question cruciale en ce qui concerne le pétrole du Moyen-Orient environ 2/3 des ressources mondiales estimées et exceptionnellement facile à extraire - est le contrôle, pas l'accès.  La politique des USA envers le Moyen-Orient était la même quand ils étaient un exportateur net de pétrole et reste la même aujourd'hui que le renseignement américain prévoit que les Etats Unis eux-mêmes dépendront des ressources plus stables du Bassin Atlantiques, y compris celles du Canada, qui a perdu dans le NAFTA son droit de contrôler ses propres ressources.  La politique serait probablement identique si les Etats Unis devaient basculer sur les énergies renouvelables. Le besoin de contrôler la source stupéfiante de puissance stratégique et de tirer des profits au-delà des rêves d'avarice resterait.  Les manoeuvres à propos de l'Asie Centrale et des itinéraires de pipelines reflète des soucis similaires.

Prendre ses affaires en main

Il y a abondance d'autres illustrations du même classement des priorités.  Pour n'en mentionner qu'une, le Ministère de l'Economie et des Finances a un bureau (OFAC, Bureau de Contrôle des Actifs Étrangers) à qui est assignée la tâche d'examiner les transferts financiers suspects, un composant crucial de la guerre contre la terreur. L'OFAC a 120 employés.  En avril dernier, la Maison Blanche informait le Congrès que quatre d'entre eux sont affectés au dépistage des finances d'Oussama Ben Laden et Saddam Hussein, alors que presque deux douzaines sont affectés à la mise en application de l'embargo contre Cuba incidemment, déclaré illégal par toutes les organisations internationales pertinentes, même la docile Organisation des Etats Américains.  L'OFAC a informé le Congrès que, de 1990 à 2003, il y a eu 93 enquêtes concernant le terrorisme avec 9000 $ d'amendes; et 11 000 enquêtes concernant Cuba avec 8 millions de $ d'amendes.  Ceci n'a suscité aucun intérêt parmi ceux qui maintenant se posent la question embarrassante de savoir si l'administration Bush - et ses prédécesseurs - ont dévalorisé la guerre contre la terreur en faveur d'autres priorités.

Pourquoi faudrait il que le Ministère de l'Economie et des Finances consacre énormément plus d'énergie à étrangler Cuba qu'à la guerre contre la terreur ?  Les Etats Unis sont une société exceptionnellement ouverte; nous avons donc pas mal d'informations sur la planification de l'état.  Les raisons de base se trouvent dans des documents secrets d'il y a 40 ans, quand l'administration Kennedy cherchait à opposer à Cuba les terreurs de la terre , comme l'historien et confident de Kennedy, Arthur Schlesinger, l'a raconté dans sa biographie de Robert Kennedy, qui a mené les opérations de terreur comme sa plus haute priorité.  Les planificateurs du département d'Etat avaient averti que la "seule existence du régime Castro était un défi réussi à la politique américaine, notion qui remonte à 150 ans, à la Doctrine Monroe; aucun russe, mais un défi intolérable au maître de l'hémisphère.  En outre, ce défi réussi en encourage d'autres, qui pourraient être infectés par "l'idée Castriste de prendre leurs affaires en main eux mêmes, Schlesinger en avait averti le Président entrant Kennedy, récapitulant le rapport de la mission présidentielle sur l'Amérique Latine.  Ces dangers sont particulièrement graves, avait continué Schlesinger, quand "la répartition des terres et des autres formes de richesse nationale favorise énormément les classes possédantes ∑ et que les pauvres et les défavorisés, stimulé par l'exemple de la révolution cubaine, exigent maintenant d'avoir accès à une vie convenable." L'ensemble du système de domination pourrait se défaire si l'idée de prendre ses affaires en main soi même étend ses tentacules maléfiques.

Rappelez-vous le souci des observateurs neutres Canadiens de l'ICC à propos du précédent possible d'une agression vietnamienne au Viêt-Nam, aux racines semblables, que nous avons appris dans le passé documentaire des Etats Unis.  Et c'est un trait tout à fait commun d'agression, de subversion et de terrorisme international d'état masqué dans une rhétorique de Guerre Froide quand ces prétextes étaient disponibles.

Evidence inconcevable

Le défi réussi reste intolérable, classé à une priorité beaucoup plus haute que de combattre la terreur, c'est juste une nouvelle illustration de principes qui sont bien établis, ont une cohérence interne, sont parfaitement clairs pour les victimes, mais ne sont pas perceptible par les agents qui décrivent les événements et débattent des raisons.  Les vociférations à propos des révélations sur les priorités de l'administration Bush par des membres de cette organisation (Clarke, O Neil) et les auditions de grande envergure à Washington sur le 9/11, ne sont que de nouvelles illustrations de cette incapacité curieuse à percevoir l'évidence, et même à la considérer comme une possibilité.


Revenons à la grosse bête.  L'opinion publique américaine est étudiée avec grand soin et profondeur.  Des études publiées immédiatement avant l'élection ont montré que ceux qui prévoyaient de voter pour Bush présumaient que le Parti Républicain partageait leurs vues, même si le Parti les rejetait explicitement.  Il en était à peu près de même des partisans de Kerry, à moins que nous ne donnions une interprétation très complaisante de vagues déclarations occasionnelles que la plupart des électeurs n'avaient probablement même jamais entendues.  Les soucis principaux des partisans de Kerry étaient l'économie et les services médicaux et ils supposaient qu'il partageait leurs vues en ces matières, de même que les électeurs de Bush supposaient, avec des justifications comparables, que les Républicains partageaient leurs vues.

En bref, ceux qui se sont donnés la peine de voter ont surtout accepté les images inventées par l'industrie des Relations Publiques, qui avaient seulement une vague ressemblance avec la réalité.  En dehors des plus riches, qui ont tendance à voter pour leurs intérêts de classe.  Bien que les détails ne soient pas encore disponibles, c'est une conjecture raisonnable que les riches aient exprimé leur gratitude à leurs bienfaiteurs de la Maison Blanche avec des votes encore plus hauts pour eux en 2004 qu'en 2000, ce qui justifie probablement la plus grande part des petites différences.

Politiquement impossible

Et l'attitude réelle du public ?  De nouveau, juste avant l'élection, des études importantes la présentant ont été publiées et quand nous regardons les résultats, à peine annoncés, nous voyons immédiatement pourquoi c'est une bonne idée de baser des élections sur la duperie, tout à fait comme dans les marchés faussés du système doctrinal.  Voici quelques exemples.

Une majorité considérable croit que les Etats Unis devraient accepter la juridiction de la Cour Criminelle Internationale et de la Cour Internationale de Justice; signer le protocole de Kyoto; permettre à l'ONU de prendre l'initiative dans des crises internationales (incluant la sécurité, la reconstruction et la transition politique en Irak); compter sur des mesures diplomatiques et économiques plus que militaires dans la guerre à la terreur ; et employer la force seulement s'il y a une évidence forte que le pays est en danger imminent d'être attaqué", rejetant ainsi le consensus bipartite de guerre préemptive et adoptant une interprétation plutôt conventionnelle de la Charte de l'ONU.  Une majorité est même en faveur de renoncer au droit de veto au Conseil de Sécurité.  Des majorités écrasantes sont en faveur de l'expansion de programmes purement domestiques : principalement les services médicaux (80 %), mais aussi l'aide à l'éducation et la Sécurité Sociale.  Des résultats semblables existent depuis longtemps dans ces études, menées par les organisations les plus réputées d'analyse de l'opinion publique.

Dans d'autres sondages grand public, environ 80 % sont en faveur des services médicaux garantis même si cela augmentait les impôts un système de services médicaux national réduirait probablement considérablement les dépenses, évitant les coûts importants de la bureaucratie, la surveillance, la paperasserie, etc, certains des facteurs qui rendent le système privatisé des Etats Unis le plus inefficace du monde industriel. L'opinion publique a été la même depuis longtemps, avec des chiffres qui dépendent de la façon dont on pose les questions.  Les faits sont parfois discutés dans la Presse, les préférences du public étant citées, mais rejetées comme politiquement impossible. C'est de nouveau arrivé à la veille des élections de 2004.  Quelques jours auparavant (le 31 octobre), le New York Times a signalé que il y a si peu de soutien politique à l'intervention du gouvernement dans le marché des services médicaux aux Etats-Unis que le Sénateur John Kerry s'est donné beaucoup de peine, dans un débat présidentiel récent, pour dire que son plan pour étendre l'accès à l'assurance-maladie ne créerait pas de nouveau programme gouvernemental ce que voudrait la majorité, comme il le semble. Mais c'est politiquement impossible et il y a trop peu de soutien politique, c'est à dire que les sociétés d'assurance, les HMO, les industries pharmaceutiques, Wall Street, etc, y sont opposé.

Peur de la Grosse Bête

Il est intéressant de noter que ces opinions sont celles de gens dans un isolement virtuel.  Ils les entendent rarement et quoique la question ne soit pas posée dans les sondages publiées, il est probable que les personnes interrogées considèrent leurs propres opinions comme particulières.  Leurs préférences n'entrent pas dans les campagnes politiques et seulement marginalement dans l'opinion exprimée par les médias et les journaux.  Il en est de même dans d'autres domaines et cela soulève des questions importantes sur le déficit démocratique dans l'état le plus important du monde, pour adopter l'expression que nous utilisons pour d'autres.

Qu'auraient été les résultats de l'élection si les partis, les deux, avaient accepté d'exprimer les soucis des gens sur les problèmes que ceux ci considèrent comme extrêmement importants ?  Ou si ces questions pouvaient entrer dans la discussion publique dans les média ?  Nous pouvons seulement en spéculer, mais nous savons vraiment que cela n'arrive pas et que les faits sont à peine même signalés.  Il semble raisonnable de supposer que la peur de la grosse bête est vraiment profonde.

Croisade pour la Démocratie

Le concept opérationnel de démocratie est aussi révélé très clairement d'autres façons.  La plus extraordinaire fut peut-être la distinction entre la Vieille et Nouvelle Europe dans la course à la guerre d'Irak.  Le critère d'adhésion était si tranchant et clair qu'il fallait une réelle discipline pour le manquer.  La vieille Europe les mauvais types était les gouvernements qui avaient pris la même position que la grande majorité de la population.  La nouvelle Europe l'espoir excitant d'un avenir démocratique était les leaders Churchilliens comme Berlusconi et Aznar qui méprisaient les majorités encore plus fortes de la population et prenaient docilement leurs ordres de Crawford Texas.  Le cas le plus spectaculaire fut la Turquie, où, à la surprise générale, le gouvernement a réellement suivi la volonté de 95 % de la population.  L'administration officielle modérée, Colin Powell, annonça immédiatement une dure punition pour ce crime.  La Turquie fut sévèrement condamnée dans la presse nationale comme manquant de références démocratiques. L'exemple le plus extrême fut Paul Wolfowitz, qui admonesta l'armée turque pour ne pas avoir contraint le gouvernement à suivre les ordres de Washington et exigea qu'ils fassent des excuses et reconnaissent publiquement que le but d'une démocratie fonctionnant correctement est d'aider l'Amérique.  Pas étonnant que la presse libérale le salue comme "l'Idéaliste en chef" menant la croisade pour la démocratie (David Ignatius, correspondant et éditorialiste de longue date du "Washington Post"), une vocation bien ancrée dans le reste de son épouvantable passé, tenu soigneusement sous couvert.

D'autres façons aussi, le concept opérationnel de démocratie est à peine caché.  L'éditorial principal dans le New York Times sur la mort de Yasser Arafat s'ouvrait en disant que l'ère post-Arafat sera le dernier test d'un article de foi quintessentiellement américain : que des élections donnent une légitimité, même aux institutions les plus frêles. Dans le paragraphe final, sur la page de suite, nous lisons que Washington s'est opposé à de nouvelles élections nationales chez les Palestiniens parce qu'Arafat gagnerait et tirerait profit d'un mandat plus frais et également que les élections pourraient aider à donner de la crédibilité et de l'autorité au Hamas .

Autrement dit, la démocratie est excellente si les résultats vont dans le bon sens; sinon, au feu. Voilà la foi quintessentielle. Les preuves sont si accablantes qu'il n'est même pas justifié de les passer en revue au moins, pour ceux qui se soucient de questions comme les faits historiques, ou même ce qui est admis publiquement.

Vision Messianique

Pour ne prendre qu'un exemple actuel crucial des mêmes doctrines, il y a un an, après que les autres prétextes pour envahir l'Irak se soient effondrés, les rédacteurs des discours de Bush ont dû inventer quelque chose pour les remplacer.  Ils se sont mis d'accord sur ce que la presse libérale appelle la vision messianique présidentielle pour apporter la démocratie en Irak, au Moyen-Orient, au monde entier.  Les réactions furent étonnantes.  Elles allèrent d'acclamations ravies en faveur de la vision, qui prouvait que c'était la guerre la plus noble de l'histoire (Ignatius), jusqu'à des critiques, qui admettaient que la vision était noble et inspirante, mais pourrait bien être au-delà de notre portée : la culture irakienne n'est pas encore prête pour un tel progrès vers nos valeurs civilisées. Nous devons tempérer l'idéalisme messianique de Bush et Blair avec un peu de réalisme pondéré, conseilla le "Financial Times" de Londres.

Le fait intéressant est qu'il était présupposé sans aucune critique à travers tout le spectre que la vision messianique devait être le but de l'invasion, pas cette affaire idiote d'ADM et d'Al-Qaeda, qui n'était plus crédible pour l'opinion de l'élite.  Quelle est la preuve que les Etats Unis et la Grande-Bretagne sont guidés par la vision messianique ? Il y a en effet une preuve, une unique preuve : nos Leaders l'ont proclamé.  Que demanderions nous de plus ?

Arriération culturelle à l'Ouest

Il y a un secteur de l'opinion qui avait une vue différente : les Irakiens.  Juste en même temps que la vision messianique était dévoilée à Washington sous des applaudissements respectueux, un sondage de Bagdadis mené par les Américains fut publié.  Certains étaient d'accord avec la position presque unanime de l'élite occidentale : que le but de l'invasion était d'apporter la démocratie en Irak.  Un pour cent.  Cinq pour cent pensaient que le but était d'aider les Irakiens. La majorité supposaient l'évidence : les Etats Unis veulent contrôler les ressources de l'Irak et l'utiliser comme base pour réorganiser la région dans son propre intérêt.  Les Bagdadis reconnaissent qu'il y a un problème de retard culturel : à l'Ouest, pas en Irak.

En réalité, leurs avis étaient plus nuancés.  Quoique 1 % croyaient que le but de l'invasion était d'apporter la démocratie, environ la moitié estimaient que les Etats Unis voulaient la démocratie mais ne permettraient pas aux Irakiens de mener leur démocratie sans pression et influence américaine. Ils comprennent très bien la foi quintessentiellement américaine, peut-être parce que c'était aussi la foi quintessentiellement britannique quand la botte britannique était sur leurs cous.  Ils n'ont pas besoin de connaître l'histoire de l'idéalisme Wilsonien, ou sa noble contrepartie britannique, ou la mission civilisatrice de la France, ou la vision encore plus exaltée des fascistes japonais et de bien d'autres probablement encore un quasi universel de l'histoire.  Leur propre expérience suffit.

Il n'est pas exceptionnel que ceux qui sont du mauvais côté du gourdin aient une image plus claire de la réalité que ceux qui le brandissent.

Le reste ne dépend que de nous

Au début j'ai mentionné les succès notables des luttes populaires dans les décennies passées, très clairs si nous y réfléchissons un peu, mais rarement discutés, pour des raisons qui ne sont pas difficiles à discerner.  Tant l'histoire récente que les attitudes publiques suggèrent quelques stratégies assez immédiates et tout à fait conventionnelles pour l'activisme à court terme de la part de ceux qui ne veulent pas attendre la Chine pour nous sauver de la ruine ultime. Nous profitons de grands privilèges et libertés, remarquables selon des standards comparatifs et historiques.  Cet héritage ne nous a pas été accordé d'en haut : il a été gagné par une lutte ciblée, qui ne se limite pas à glisser un bulletin dans une fente tous les deux ou trois ans.  Nous pouvons bien sûr renoncer à cet héritage et prendre la voie facile du pessimisme : tout est désespéré, donc j'abandonne.  Ou nous pouvons nous servir de cet héritage pour travailler à créer recréer en partie - la base d'une culture démocratique qui fonctionne, dans laquelle le public joue un certain rôle dans la détermination de la politique, pas seulement dans l'arène politique dont il est en grande partie exclu, mais aussi dans la cruciale arène économique, dont il est exclu par principe.


Ces idées ne sont même pas radicales.  Ils ont été exprimées clairement, par exemple, par le principal philosophe social du vingtième siècle aux Etats Unis, John Dewey, qui a mis en évidence que tant que le féodalisme industriel ne sera pas remplacé par la démocratie industrielle, la politique restera l'ombre projetée par les grandes entreprises sur la société. Dewey était Américain comme la tarte aux pommes, selon l'expression populaire.  Il était en fait issu d'une longue tradition de pensée et d'action qui s'était développée indépendamment dans la culture du prolétariat depuis les origines de la révolution industrielle - juste où je vis, près de Boston.  Ces idées restent juste sous la surface et peuvent devenir une part vivante de nos sociétés, cultures et institutions.  Mais comme les autres victoires de la justice et de la liberté au cours des siècles, ça n'arrivera pas tout seul.  Une des leçons les plus claires de l'histoire, y compris l'histoire récente, est que les droits ne sont pas accordés; ils sont gagnés.  Le reste ne dépend que de nous.