traduit à partir de www.onthecommons.org/magazine/noam-chomsky-continuing-destruction-our-commons) par Michel Roudot

La Destruction Ininterrompue de Nos Communs

par Noam Chomsky | 25 juillet 2012

Vers la fin du siècle, la Grande Charte - et la démocratie elle-même - pourrait être en lambeaux

Le 900ème anniversaire de la Grande Charte — un document fondateur de la Démocratie Occidentale qui a préservé l'importance des Communs et les droits naturels des roturiers — est seulement dans trois ans. Noam Chomsky, le célèbre analyste de la politique étrangère et linguiste, spécule que si notre dérive actuelle vers la suppression de la contestation politique et l'élévation de l'économie de marché comme seule mesure de la valeur se poursuit, il pourrait ne rien rester de la Grande Charte pour son 1000ème anniversaire.

Voici le texte intégral d'une conférence qu'il a donnée à l'Université St. Andrew en Ecosse, qui est d'abord paru sur le site politique incisif TomDispatch — Jay Walljasper

Dans seulement quelques générations, le millénaire de la Grande Charte [2215], un des grands événements dans l'établissement des droits civils et humains, arrivera. Il n'est pas du tout clair s'il sera célébré, pleuré, ou ignoré.

Cela devrait être un sérieux sujet de préoccupation immédiate. Ce que nous faisons dès maintenant, ou négligeons de faire, déterminera quelle sorte de monde saluera cet événement. Ce n'est pas une perspective séduisante si les tendances actuelles persistent — surtout parce que la Grande Charte est mise en pièces sous nos yeux.

La première édition académique de la Grande Charte a été publiée par l'éminent juriste William Blackstone (ndt : en 1759). Ce n'était pas une tâche facile. Il n'y avait pas de texte de qualité disponible. Comme il l'a écrit, “le corps de la charte a malheureusement été rongé par les rats” — un commentaire qui porte un symbolisme sinistre aujourd'hui, alors que nous reprenons la tâche que les rats ont laissée incomplète.

L'édition de Blackstone inclut en réalité deux chartes. Elle était intitulée La Grande Charte et la Charte de la Forêt. La première, la Charte des Libertés, est largement reconnue pour être la base des droits fondamentaux des peuples anglophones — ou comme Winston Churchill l'a exprimé plus expansivement, “la charte de tout homme qui se respecte à toute époque dans tout pays.” Churchill se référait spécifiquement à la réaffirmation de la Charte par le Parlement dans la Pétition des Droits (ndt : de 1628), qui implorait le Roi Charles de reconnaître que c'est la loi qui est souveraine, pas le Roi. Charles approuva brièvement, mais viola bientôt son engagement, préparant le terrain pour la meurtrière Guerre civile (ndt : de 1642 à 1651).

Après un dur conflit entre le Roi et le Parlement, le pouvoir de la royauté dans la personne de Charles II a été rétabli. Dans la défaite, la Grande Charte n'a pas été oubliée. Un des leaders du Parlement, Henry Vane, a été décapité. Sur l'échafaud, il a essayé de lire un discours dénonçant la sentence comme étant une violation de la Grande Charte, mais ses paroles ont été noyées par les trompettes pour assurer que les foules qui acclamaient n'entendraient pas de mots si scandaleux. Son crime principal avait été de rédiger une pétition nommant le peuple “l'origine de tout juste pouvoir” dans la société civile — pas le Roi, pas même Dieu. C'était la position qui avait été fortement défendue par Roger Williams (ndt : un théologien, en 1636), le fondateur de la première société libre dans ce qui est maintenant l'état de Rhode Island. Ses vues hérétiques ont influencé Milton et Locke, quoique Williams soit allé beaucoup plus loin, fondant la doctrine moderne de la séparation de l'église et de l'État, toujours très contestée même dans les démocraties libérales.

Comme c'est souvent le cas, la défaite apparente a néanmoins fait progresser la lutte pour la liberté et les droits. Peu de temps après l'exécution de Vane, le Roi Charles a accordé une Charte Royale aux plantations de Rhode Island, déclarant que “la forme du gouvernement est Démocratique,” et en outre que le gouvernement pourrait affirmer la liberté de conscience pour les Papistes, les athées, les Juifs, les Turcs — et même les Quakers, une des plus craintes et brutalisées des nombreuses sectes qui apparaissaient dans ces temps agités. Tout ceci était stupéfiant dans le climat de l'époque.

Quelques années plus tard, la Charte des Libertés a été enrichie par l'Acte d'Habeas corpus de 1679, intitulé formellement “un Acte pour la meilleure garantie de la liberté du sujet, et pour la prévention de l'emprisonnement au-delà des mers.” La Constitution américaine, empruntant au droit coutumier anglais, affirme que “le mandat d'habeas corpus ne sera pas suspendu” sauf en cas de rébellion ou d'invasion. Par une décision unanime, la Cour suprême des États-unis a affirmé que les droits garantis selon cet Acte étaient “[c]onsidérés par les Fondateurs [de la République américaine] comme la plus haute sauvegarde de la liberté.” Tous ces mots devraient résonner aujourd'hui.

La Deuxième Charte et les Communs

La signification de la charte compagne, la Charte de la Forêt, n'est pas moins profonde et peut-être encore plus pertinente aujourd'hui — comme exploré en profondeur par Peter Linebaugh dans son histoire richement documentée et stimulante de la Grande Charte [voir le Manifeste de la Grande Charte tiré du livre de Linebaugh] et sa trajectoire postérieure. La Charte de la Forêt imposait de protéger les Communs du pouvoir externe. Les Communs étaient la source de subsistance pour la population générale : leur combustible, leur nourriture, leurs matériaux de construction, tout ce qui était essentiel pour la vie. La forêt n'était pas un désert primitif. Elle avait été soigneusement développée pendant des générations, entretenue en commun, ses richesses disponible pour tous, et préservée pour les générations futures — des pratiques qu'on trouve aujourd'hui principalement dans les sociétés traditionnelles qui sont menacées partout dans le monde.

La Charte de la Forêt imposait des limites à la privatisation. Les mythes de Robin des Bois capturent l'essence de ses préoccupations (et il n'est pas trop surprenant que la série TV populaire des années 1950, “Les Aventures de Robin des Bois,” a été écrite anonymement par des scénaristes de Hollywood mis sur la liste noire pour leurs convictions de gauche). Au dix-septième siècle, cependant, cette Charte était tombée victime de la montée de l'économie de marché et de la pratique et de la moralité capitalistes.

Les Communs n'étant plus protégées pour la nourriture et l'utilisation coopératives, les droits du peuple ont été limités à ce qui ne pouvait pas être privatisé, une catégorie qui continue à rétrécir vers une invisibilité virtuelle. En Bolivie, la tentative de privatiser l'eau a été, finalement, rejetée par un soulèvement qui a amené la majorité indigène au pouvoir pour la première fois dans l'histoire. La Banque Mondiale vient de juger que la compagnie minière multinationale Pacific Rim a raison de poursuivre le Salvador pour essayer de préserver les terres et les communautés des effets hautement destructifs de l'extraction de l'or. Des contraintes environnementales menacent de priver la société de profits futurs, un crime qui peut être puni conformément aux règles du régime des droits des investisseurs faussement intitulé le “libre-échange.” Et c'est seulement un minuscule échantillon des luttes qui se déroulent partout dans le monde, dont certaines impliquent une violence extrême, comme au Congo Oriental, où des millions de gens ont été tués ces dernières années pour assurer une fourniture suffisante de minéraux pour les téléphones portables et d'autres usages, et bien sûr des profits généreux.

La montée de la pratique et de la moralité capitalistes ont entraîné une révision radicale de la façon dont les Communs sont traités, et aussi de la façon dont ils sont conçus. La vision dominante est aujourd'hui rendue par l'argument, qui a eu beaucoup d'influence, de Garrett Hardin selon lequel “la liberté dans un Commun nous apporte la ruine à tous,” la célèbre “tragédie des Communs” : ce qui n'est pas une propriété privée sera détruit par l'avarice individuelle.

Un homologue internationale était le concept de terra nullius, employé pour justifier l'expulsion de populations indigènes dans les sociétés coloniales de l'Anglosphere, ou leur "extermination", comme les pères fondateurs de la République américaine décrivaient ce qu'ils faisaient, parfois avec remords, après les faits. Selon cette doctrine utile, les Indiens n'avaient pas de droits de propriété puisqu'ils n'étaient que des nomades dans un désert sauvage. Et les colons travailleurs pouvaient créer de la valeur où il n'y en avait pas en utilisant commercialement ce même désert.

En réalité, les colons savaient ce qu'ils faisaient et il y avait des procédures complexes d'achat et de ratification par la couronne et le Parlement, annulées plus tard par la force quand les mauvaises créatures résistèrent à l'extermination. La doctrine est souvent attribuée à John Locke, mais c'est douteux. Comme administrateur colonial, il comprenait ce qui arrivait et il n'y a aucune base pour cette attribution dans ses écrits, comme l'érudition contemporaine l'a montré d'une façon convaincante, notamment le travail du savant australien Paul Corcoran. (C'est en Australie, en fait, que la doctrine a été le plus brutalement employée.)

Les prévisions sinistres de la tragédie des Communs ne sont pas sans contestations. Feue Elinor Olstrom a obtenu le Prix Nobel d'économie en 2009 pour son travail montrant la supériorité de la gestion par leurs utilisateurs des stocks de poissons, des pâturages, des bois, des lacs et des aquifères. Mais la doctrine conventionnelle est justifiée si nous acceptons sa prémisse tacite : que les humains sont menés aveuglément par ce que les ouvriers américains, à l'aube de la révolution industrielle, nommaient amèrement “le Nouvel Esprit du Temps, Gagner des Richesse en oubliant tout sauf Moi.”

Comme les paysans et les ouvriers d'Angleterre avant eux, les ouvriers américains ont dénoncé ce Nouvel Esprit, qui leur était imposé, le considérant comme avilissant et destructeur, une agression contre la nature même d'hommes et de femmes libres. Et je souligne femmes; parmi les plus actifs et virulents à condamner la destruction des droits et de la dignité des personnes libres par le système industriel capitaliste il y avait les “filles d'usine,” des jeunes femmes venant des fermes. Elles aussi ont été poussées dans le régime du travail salarié surveillé et contrôlé, qui était considéré à l'époque comme ne différant l'esclavage que par son caractère provisoire. Cette position était considérée si naturelle que c'est devenu un slogan du Parti Républicain et une bannière sous laquelle les ouvriers du nord ont portés les armes pendant la Guerre civile américaine.

Le Contrôle du Désir de Démocratie

C'était il y a 150 ans — plus tôt en Angleterre. Des efforts considérables ont été consacrés depuis à inculquer le Nouvel Esprit du Temps. Des industries majeures sont consacrées à la tâche : relations publiques, publicité, marketing en général, qui toutes s'additionnent pour représenter une très grande composante du Produit intérieur brut. Elles sont consacrés à ce que le grand économiste politique Thorstein Veblen a appelé “la fabrication des besoins.” Dans les termes des dirigeants d'entreprise eux-mêmes, la tâche est de diriger les gens vers “les choses superficielles” de la vie, comme la “consommation à la mode.” De cette façon les gens peuvent être atomisés, séparés l'un de l'autre, à la recherche du seul gain personnel, détournés des efforts dangereux pour penser par eux mêmes et défier l'autorité.

Le processus de former l'opinion, les attitudes et les perceptions a été dénommé “l'ingénierie du consentement” par un des fondateurs de l'industrie moderne des relations publiques, Edward Bernays. C'était un progressiste respecté à la Wilson-Roosevelt-Kennedy, tout comme son contemporain, le journaliste Walter Lippmann, l'intellectuel public le plus en vue de l'Amérique du vingtième siècle, qui a fait les éloges de “la fabrication du consentement” comme un “nouvel art” dans la pratique de la démocratie.

Tous deux reconnaissaient que le public doit être “mis à sa place,” marginalisé et contrôlé — dans son propres intérêt bien sûr. Il était trop “stupide et ignorant” pour qu'on lui permette de diriger ses propres affaires. Cette tâche devait être confiée à la “minorité intelligente,” qui doit être protégée du “piétinement et des vociférations du troupeau désemparé,” des “profanes ignorants et importuns” — “la multitude des vauriens” comme leurs prédécesseurs du dix-septième siècle les nommaient. Le rôle de la population générale était d'être des "spectateurs", non des “participants à l'action,” dans une société démocratique fonctionnant correctement.

Et les spectateurs ne doivent pas avoir le droit de trop en voir. Le président Obama a établi de nouvelles normes dans la protection de ce principe. Il a, en fait, puni plus de lanceurs d'alerte que tous les présidents précédents combinés, une vraie réussite pour une administration qui a pris ses fonctions en promettant la transparence. WikiLeaks est seulement le cas le plus célèbre, avec la coopération britannique.

Parmi les nombreux sujets qui ne sont pas les affaires du troupeau désemparé il y a les affaires étrangères. Quiconque a étudié des documents secrets déclassifiés aura découvert que, en grande partie, leur classification a été faite pour protéger des agents publics du contrôle public. À l'intérieur du pays, la populace ne devrait pas entendre le conseil donné par les tribunaux aux grandes entreprises : qu'ils doivent consacrer quelques efforts bien visibles à de bonnes œuvres, pour qu'un “public excité” ne découvre pas les énormes profits qui leur sont fournis par l'État-providence. Plus généralement le public américain ne devrait pas apprendre que “les politiques d'état sont en grande majorité régressives, renforçant ainsi et étendant l'inégalité sociale,” quoique conçues de manière à conduire “le peuple à penser que le gouvernement aide seulement les pauvres non méritants, permettant aux politiciens de mobiliser et exploiter la rhétorique et les valeurs anti-gouvernmentales tout en continuant à acheminer des aides à leurs constituants mieux lotis” — je cite le journal principal de l'establishment, Foreign Affairs, pas quelque torchon radical.

Avec le temps, quand les sociétés sont devenues plus libres et le recours à la violence d'état plus contraint, le besoin d'inventer des méthodes sophistiquées de contrôle des attitude et opinions n'a fait que croître. Il est naturel que l'immense industrie des relations publiques ait été créée dans les sociétés les plus libres, les États-Unis et la Grande-Bretagne. La première agence de propagande moderne a été le Ministère de l'Information britannique il y a un siècle, qui définissait secrètement sa tâche comme “diriger la pensée du monde entier ou presque” — et tout d'abord des intellectuels américains progressistes, qui devaient être mobilisés pour venir à l'aide de la Grande-Bretagne pendant la Première guerre mondiale.

Son homologue américain, le Committee on Public Information, a été constitué par Woodrow Wilson pour conduire une population pacifiste à une haine violente contre toute chose allemande — avec un succès remarquable. La publicité commerciale américaine en a profondément impressionné d'autres. Goebbels l'admirait et l'a adaptée à la propagande Nazie, avec bien trop de succès. Les leaders Bolcheviques ont aussi essayé, mais leurs efforts étaient maladroits et inefficaces.

Une tâche domestique majeure a toujours été "d'écarter [le public] de nos gorges,” comme l'essayiste Ralph Waldo Emerson décrivait les préoccupations des leaders politiques quand la menace de la démocratie est devenue plus difficile à effacer au milieu du dix-neuvième siècle. Plus récemment, l'activisme des années 1960 a mis au jour les préoccupations de l'élite concernant “une démocratie excessive,” et des appels en faveur de mesures pour imposer “plus de modération” dans la démocratie.

Une préoccupation particulière était d'introduire de meilleurs contrôles sur les institutions “en charge de l'endoctrinement des jeunes” : les écoles, les universités, les églises, considérées comme échouant à cette tâche essentielle. Je cite des réactions de l'extrémité gauche-libérale du spectre dominant, les internationalistes libéraux qui ont plus tard peuplé l'Administration Carter et leurs homologues dans d'autres sociétés industrielles. L'aile droite était beaucoup plus dure. Une des nombreuses manifestations de ce besoin a été la nette augmentation des frais d'inscription dans les universités, qui n'avait pas de base économique, comme on le montre facilement. Le dispositif, par contre, piège et contrôle les jeunes par la dette, souvent pour le reste de leur vie, contribuant ainsi à un endoctrinement plus efficace.

Les Humains à Trois-Cinquièmes

En allant plus loin dans ces sujets importants, nous voyons que la destruction de la Charte de la Forêt et son effacement de la mémoire, se rapporte assez étroitement aux efforts ininterrompus pour contraindre la promesse de la Charte des Libertés. Le “Nouvel Esprit du Temps” ne peut pas tolérer la conception pré-capitaliste de la Forêt comme la dotation partagée de la communauté dans son ensemble, entretenue collectivement pour l'utilisation individuelle et les générations futures, protégée de la privatisation, du transfert aux mains d'un pouvoir privé pour servir la richesse, non les besoins. Inculquer le Nouvel Esprit est un préalable essentiel pour réaliser cette fin et pour empêcher que la Charte des Libertés soit employée improprement pour permettre aux citoyens libres de déterminer leur propre destin.

Les luttes populaires pour apporter une société plus libre et plus juste ont été combattues par la violence et la répression, et des efforts massifs pour contrôler l'opinion et les attitudes. Avec le temps, cependant, elles ont rencontré un succès considérable, bien qu'il y reste une longue route à parcourir et qu'il y a souvent des régressions. En ce moment même, en fait.

La partie la plus connue de la Charte des Libertés est l'Article 39, qui déclare que “aucun homme libre” ne sera puni en aucune façon, “ni Nous n'engagerons des poursuites ou le poursuivrons, sauf selon le jugement légal de ses pairs et selon la loi du pays.”

Au cours de nombreuses années de lutte, le principe en est venu à s'appliquer plus largement. La Constitution américaine stipule qu'aucune “personne (ne sera) privé de vie, de liberté, ou de propriété, sans procédures normales de loi [et] un procès rapide et public” par des pairs. Le principe de base est la “présomption d'innocence” — ce que les historiens juristes décrivent comme “la semence de la liberté Anglo-américaine contemporaine,” en référence à l'Article 39; et avec le Tribunal de Nuremberg à l'esprit, “une conception particulièrement américaine du légalisme : la punition seulement pour ceux qu'on peut prouver coupables par un procès équitable avec une panoplie de protections procédurales” — même si leur culpabilité pour certains des pires crimes dans l'histoire ne fait pas de doute.

Les fondateurs bien sûr n'entendaient pas que le terme "personne" s'applique à toutes les personnes. Les Indiens d'Amérique n'étaient pas des personnes. Leurs droits étaient virtuellement nuls. Les femmes étaient à peine des personnes. Les femmes étaient comprises comme "couvertes" par l'identité civile de leur mari en grande partie comme les enfants étaient soumis à leurs parents. Les principes de Blackstone affirmaient que “l'être même ou l'existence juridique de la femme est suspendu durant le mariage, ou est au moins incorporé et consolidé dans celui du mari : sous l'aile, la protection et l'abri duquel, elle exécute chaque chose.” Les femmes sont ainsi la propriété de leur père ou mari. Ces principes subsistent jusqu'aux toutes dernières années. Jusqu'à une décision de la Cour suprême de 1975, les femmes n'avaient même pas le droit légal de servir comme jurés. Elles n'étaient pas des pairs. Il y a seulement deux semaines, l'opposition Républicaine a bloqué la Loi sur la Justice du Salaire garantissant aux femmes le principe à travail égal, salaire égal. Et ça va bien plus loin.

Les esclaves, bien sûr, n'étaient pas des personnes. Ils étaient en fait humains à trois-cinquièmes selon la Constitution, afin d'accorder à leurs propriétaires un plus grand pouvoir de vote. La protection de l'esclavage n'était en rien une préoccupation de détail pour les fondateurs : c'était un des facteurs qui ont entraîné la révolution américaine. Dans l'arrêt Somerset de 1772, Lord Mansfield a établi que l'esclavage est si "odieux" qu'il ne peut pas être toléré en Angleterre, quoiqu'il ait continué dans les possessions britanniques pendant de nombreuses années. Les propriétaires d'esclaves américains pouvaient déjà voir le placard sur le mur si les colonies restaient sous domination britannique. Et il faudrait rappeler que les états esclavagistes, dont la Virginie, étaient ceux qui avaient le plus de puissance et d'influence dans les colonies. On peut facilement apprécier la raillerie célèbre du docteur Johnson selon laquelle “nous entendons les glapissements les plus forts en faveur de la liberté parmi les négriers.”

Les amendements post-Guerre-civile ont étendu le concept de personne aux Afro-américains, abolissant l'esclavage. En théorie, au moins. Après environ une décennie de liberté relative, une condition apparentée à l'esclavage a été réintroduite par un accord Nord-Sud permettant la criminalisation effective de la vie des noirs. Un noir mâle debout à un coin de rue pouvait être arrêté pour vagabondage, ou pour tentative de viol s'il était accusé de regarder une femme blanche de mauvaise manière. Et une fois emprisonné il avait peu de chances de jamais échapper au système “d'esclavage sous un autre nom,” le terme utilisé par le chef de bureau d'alors du Wall Street Journal Douglas Blackmon dans une étude saisissante.

Cette nouvelle version de “l'institution particulière” a apporté l'essentiel de la base de la révolution industrielle américaine, avec une main-d'œuvre parfaite pour l'industrie sidérurgique et les mines, tout comme la production agricole avec les célèbres chaînes de forçats : dociles, obéissants, pas de grèves et même pas besoin pour les employeurs de nourrir leurs ouvriers, une amélioration par rapport à l'esclavage. Le système a duré dans une grande mesure jusqu'à la Deuxième Guerre mondiale, quand la main-d'œuvre libre a été nécessaire pour la production de guerre.

Le boom de l'après-guerre a donné du travail. Un homme noir pouvait trouver un travail dans une usine automobile syndiquée, gagner un salaire convenable, acheter une maison et envoyer peut-être ses enfants à l'université. Cela a duré pendant environ 20 ans, jusqu'aux années 1970, quand l'économie a été radicalement reconçue sur les principes néo-libéraux nouvellement dominants, avec la croissance rapide de la financiarisation et la délocalisation de la production. La population noire, maintenant en grande partie superflue, a été recriminalisée.

Jusqu'à la présidence de Ronald Reagan, l'incarcération aux Etats-Unis était dans le spectre des sociétés industrielles. À ce jour elle est loin au-delà d'autres. Elle cible principalement des noirs mâles, de plus en plus aussi des femmes noires et des hispaniques, en grande partie coupables de crimes sans victimes relevant des frauduleuses “guerres à la drogue.” Pendant ce temps, la richesse des familles Afro-américaines a été virtuellement effacée par la dernière crise financière, dans une grande mesure grâce au comportement criminel des institutions financières, impunément pour les criminels, qui sont maintenant plus riches que jamais.

Si l'on regarde l'histoire des Afro-américains depuis la première arrivée d'esclaves il y a presque 500 ans jusqu'au jourd'hui, ils ont joui du statut d'authentiques personnes pendant seulement quelques décennies. Il reste une longue route à parcourir pour réaliser la promesse de la Grande Charte.

Personnes Sacrées et Processus Défait

Le quatorzième amendement post-Guerre-civile a accordé les droits de l'homme aux anciens esclaves, quoique surtout en théorie. En même temps, il a créé une nouvelle catégorie de personnes avec des droits : les sociétés commerciales. En fait, presque tous les procès devant les tribunaux sur la base du quatorzième amendement avaient un rapport avec les droits de l'entreprise et, depuis environ un siècle, ont déterminé que ces fictions juridiques collectives, établies et supportées par la puissance de l'État, avaient les pleins droits des personnes de chair et de sang ; en fait, des droits beaucoup plus grands, grâce à leur taille, leur immortalité et les protections de la responsabilité limitée. Leurs droits à ce jour dépassent de loin ceux de simples humains. Conformément aux “accords de libre-échange,” la société Pacific Rim peut, par exemple, poursuivre en justice le Salvador pour avoir cherché à protéger l'environnement ; des individus ne peuvent pas faire de même. General Motors peut revendiquer des droits nationaux au Mexique. Il n'y a pas besoin de s'arrêter sur ce qui arriverait si un Mexicain exigeait des droits nationaux aux États-Unis.

À l'intérieur du pays, des décisions récentes de la Cour suprême augmentent énormément le pouvoir politique déjà énorme des sociétés et des super-riches, portant de nouveaux coups aux restes chancelants du fonctionnement de la démocratie politique.

Dans le même temps la Grande Charte subit une agression plus directe. Rappelez-vous l'Acte d'Habeas Corpus de 1679, qui interdisait “l'emprisonnement au-delà des mers,” et certainement la procédure beaucoup plus vicieuse d'emprisonnement à l'étranger dans le but de torturer — qui est maintenant plus poliment nommée "transfèrement" (ndt : RFI traduit extraordinary rendition par transfèrement exceptionnel), comme quand Tony Blair a transféré (ndt : rendered = rendu) le dissident libyen Abdel Hakim Belhaj, plus tard un leader de la rébellion dans son pays, aux bons soins de Kadhafi ; ou quand les autorités américaines ont expulsé le citoyen canadien Maher Arar vers sa Syrie natale, pour l'emprisonner et le torturer, pour ne concéder que plus tard qu'il n'y avait jamais eu de faits qui lui soient reprochés. Et beaucoup d'autres, souvent via l'Aéroport de Shannon, entraînant des protestations courageuses en Irlande.

Le concept de sécurité juridique a été étendu sous la campagne d'assassinats internationale de l'administration Obama d'une façon qui rend cet élément fondamental de la Charte des Libertés (et la Constitution américaine) nul et non avenu. Le Ministère de la Justice a expliqué que la garantie constitutionnelle de sécurité juridique, qui remonte à la Grande Charte, est maintenant satisfaite par des débats internes à la branche exécutive seule. Les juristes constitutionnels de la Maison Blanche l'ont approuvé. Le Roi Jean aurait pu hocher la tête en signe d'approbation (ndt : à l'origine la Grande Charte a été établie pour limiter les pouvoirs de Jean Sans Terre).

Le problème a surgi après l'assassinat-par-drone, ordonné par le président, d'Anwar Al-Awlaki, accusé d'inciter au djihad par discours, écrits et actions non spécifiées. Un titre du New-York Times a rendu la réaction générale de l'élite quand il a été assassiné par une attaque de drone, avec les dommages collatéraux habituels. C'était : “l'Ouest célèbre la mort d'un ecclésiastique.” Quelques sourcils ont été soulevés, cependant, parce que c'était un citoyen américain, ce qui a soulevé des questions sur la sécurité juridique — qui est considérée hors sujet quand des non-citoyens sont assassinés sur un caprice du chef de l'exécutif. Et hors sujet, aussi, pour les citoyens sous les innovations de l'administration Obama en termes de sécurité juridique.

Il a aussi été donné à la présomption d'innocence une interprétation nouvelle et utile. Comme le New-York Times l'a signalé, “M. Obama a embrassé une méthode controversée pour compter les pertes humaines civiles qui fait en sorte de ne pas le coincer. Il compte en réalité tous les mâles d'âge militaire dans une zone de frappe comme des combattants, selon plusieurs représentants de l'administration, à moins qu'il y ait des renseignements explicites qui les prouvent à titre posthume innocents.” Donc la détermination d'innocence post-assassinat est conforme au principe sacré de la présomption d'innocence.

Il serait disgracieux de rappeler les Conventions de Genève, le fondement de la loi humanitaire moderne : elles interdisent “la réalisation d'exécutions sans jugement préalable prononcé par un tribunal régulièrement constitué, accordant toutes les garanties juridiques qui sont reconnues comme indispensable par les peuples civilisés.”

Le plus célèbre cas récent d'assassinat par l'exécutif a été Oussama ben Laden, assassiné après avoir été appréhendé par 79 Navy seals, sans défense, accompagné seulement par sa femme, son corps censément jeté à la mer sans autopsie. Quoi que l'on pense de lui, il était un suspect et rien plus que cela. Même le FBI était d'accord.

La célébration dans ce cas a été massive, mais quelques questions ont été soulevées sur le rejet inintéressant du principe de présomption d'innocence, particulièrement avec un procès qui était loin d'être impossible. Elles ont reçu des condamnations sévères. La plus intéressante a été par un politologue respecté de tendance gauche-libérale, Matthew Yglesias, qui a expliqué que “une des fonctions principales de l'ordre institutionnel international est précisément de légitimer l'utilisation de la force militaire mortelle par les puissances occidentales,” il est donc “étonnamment naïf” de suggérer que les Etats-Unis doivent obéir à la loi internationale ou à d'autres conditions que nous exigeons à juste titre des faibles.

Seules des objections tactiques peuvent être soulevées contre l'agression, l'assassinat, la cyberguerre, ou d'autres actions que le Saint État entreprend au service de l'humanité. Si les victimes traditionnelles voient les choses quelque peu différemment, cela révèle simplement leur état d'arriération morale et intellectuelle. Et le critique Occidental occasionnel qui n'arrive pas à comprendre ces vérités fondamentales peut être écarté comme "idiot", explique Yglesias — incidemment, en se référant spécifiquement à moi et j'avoue allégrement ma culpabilité.

Listes de Terroristes de l'Exécutif

L'atteinte peut-être la plus frappante aux fondements des libertés traditionnelles est un cas peu connu présenté à la Cour suprême par l'administration Obama, Holder contre Humanitarian Law Project. Le Projet a été condamné pour avoir fourni une “assistance substantielle” à l'organisation de guérilla PKK, qui se bat pour les droits des Kurdes en Turquie depuis de nombreuses années et est répertorié comme groupe terroriste par l'exécutif. “L'assistance substantielle” était du conseil juridique. La formulation de la décision semblerait s'appliquer assez largement, par exemple, aux discussions et enquêtes relevant de la recherche, et même aux conseils au PKK pour respecter des moyens non violents. De nouveau, il y a eu une frange marginale de critiques, mais même celles ci acceptaient la légitimité de la liste étatique de terroristes — des décisions arbitraires par l'exécutif, sans recours.

Le passé de la liste de terroristes a un certain intérêt. Par exemple, en 1988 l'administration Reagan a déclaré que le Congrès national africain (ANC) de Nelson Mandela était l'un des “groupes terroristes les plus notoires” du monde, pour que Reagan puisse continuer son soutien au régime d'Apartheid et à ses ravages meurtriers en Afrique du Sud et dans les pays voisins, comme une partie de sa “guerre contre le terrorisme.” Vingt ans plus tard Mandela a finalement été retiré de la liste des terroristes et peut maintenant voyager aux Etats-Unis sans une dérogation spéciale.

Un autre cas intéressant est Saddam Hussein, retiré de la liste des terroristes en 1982 pour que l'administration Reagan puisse lui apporter de l'aide pour son invasion de l'Iran. L'aide a continué bien après que la guerre soit finie. En 1989, le Président George H.W. Bush a même invité des ingénieurs nucléaires irakiens aux Etats-Unis pour une formation avancée à la production d'armes — encore des informations qui doivent être tenues hors de vue “des profanes ignorants et importuns.”

Un des exemples les plus vicieux de l'utilisation de la liste des terroristes a un rapport avec le peuple torturé de Somalie. Immédiatement après le 11 Septembre, les États-Unis ont fait fermer le réseau caritatif somalien Al-Barakaat sous le prétexte qu'il finançait la terreur. Cette réussite a été saluée comme un des grands succès de “la guerre contre le terrorisme.” Par contre, la rétractation un an plus tard de ces accusations par Washington comme étant sans valeur a suscité peu d'attention.

Al-Barakaat était responsable d'environ la moitié des 500 millions de dollars d'envois de fonds en Somalie par l'émigration, “plus que ce qu'elle tire de tout autre secteur économique et 10 fois le montant de l'aide étrangère que [la Somalie] reçoit” selon un rapport de l'ONU. L'organisation caritative dirigeait aussi des activités majeures en Somalie, qui ont toutes été détruites. Le principal universitaire de la “guerre financière contre le terrorisme” de Bush, Ibrahim Warde, conclut qu'en dehors d'avoir dévastaté l'économie, cette attaque frivole contre une société très fragile “peut avoir joué un rôle dans l'émergence ... des fondamentalistes Islamiques,” une autre conséquence familière de la “guerre contre le terrorisme.”

L'idée même que l'État devrait avoir autorité pour faire de tels jugements est une sérieuse atteinte à la Charte des Libertés, comme l'est le fait qu'on le considère non litigieux. Si la chute en disgrâce de la Charte continue sur la voie des quelques années passées, l'avenir des droits et des libertés apparaît sombre.

Qui Rira le Dernier ?

Quelques mots pour finir sur le destin de la Charte de la Forêt. Son but était de protéger la source de subsistance de la population, les Communs, du pouvoir extérieur — dans les premiers temps, la royauté ; au cours des années, les enclosures et autres formes de privatisation par des sociétés commerciales prédatrices et les autorités étatiques qui coopèrent avec elles, n'ont fait qu'accélérer et sont récompensées comme il faut. Les dégâts sont très étendus.

Si nous écoutons des voix des pays du Sud aujourd'hui nous pouvons apprendre que “la conversion des biens publics en propriété privée par la privatisation de ce qui est autrement notre environnement naturel détenu en commun est une des façons dont les institutions neoliberales enlèvent les fils fragiles qui maintiennent ensemble les nations africaines. La politique a aujourd'hui été réduite à une entreprise lucrative où on regarde principalement les retours sur investissement plutôt que les contributions qu'on peut apporter pour reconstruire des environnements, des communautés et une nation fortement dégradés. C'est un des bénéfices que les programmes d'ajustement structurel ont infligés au continent — l'intronisation de la corruption.” Je cite le poète et activiste nigérian Nnimmo Bassey, président des Amis de la Terre International, dans son brûlot sur la dévastation de la richesse de l'Afrique, To Cook a Continent, la dernière phase de la torture Occidentale de l'Afrique.

Une torture qui a toujours été planifiée au niveau le plus haut, il faut le reconnaître. À la fin de la Deuxième Guerre mondiale, les Etats-Unis détenaient une position de puissance globale sans précédent. Il n'est pas étonnant que des plans soignés et sophistiqués aient été développés sur la façon d'organiser le monde. À chaque région a été assignée sa "fonction" par les planificateurs du Département d'État, dirigé par le distingué diplomate George Kennan. Il a décidé que les Etats-Unis n'avaient aucun intérêt spécial en Afrique, et que donc elle devrait être remise à l'Europe pour que celle ci "l'exploite" — c'est son mot — pour sa reconstruction. À la lumière de l'histoire, il aurait été possible d'imaginer une relation différente entre l'Europe et l'Afrique, mais il n'y a aucune indication que ceci ait jamais été considéré.

Plus récemment, les Etats-Unis ont reconnu qu'eux, aussi, doivent rejoindre le jeu de l'exploitation de l'Afrique, avec de nouveaux arrivants comme la Chine, qui est activement au travail pour compiler une des pires réputations dans la destruction de l'environnement et l'oppression des victimes malchanceuses.

Il devrait être inutile de s'arrêter sur les dangers extrêmes posés par un élément central des obsessions prédatrices qui produisent des désastres dans le monde entier : la dépendance aux combustibles fossiles, qui court au désastre global, peut-être dans un avenir pas très éloigné. Les détails peuvent être débattus, mais il y a peu de doutes sérieux que les problèmes soient sérieux, si non terrifiants et que plus nous attendons pour les traiter, plus terrible sera l'héritage laissé aux générations à venir. Il y a quelques efforts pour faire face à la réalité, mais ils sont beaucoup trop minimaux. La récente Conférence Rio+20 s'est ouverte avec de maigres aspirations et des résultats dérisoires.

En attendant, les concentrations de pouvoir chargent dans la direction opposée, menées par le pays le plus riche et le plus puissant de l'histoire du monde. Les républicains du Congrès démantèlent les protections limitées de l'environnement introduites par Richard Nixon, qui aurait aujourd'hui sur la scène politique quelque chose d'un radical dangereux. Les principaux lobbies des affaires annoncent ouvertement leurs campagnes de propagande pour convaincre le public que ce n'est pas la peine de s'inquiéter excessivement — avec un certain effet, comme le montrent les sondages.

Les médias coopèrent en ne signalant même pas les prévisions de plus en plus sinistres des agences internationales et même du Ministère de l'Energie américain. La présentation standard est un débat entre alarmistes et sceptiques : d'un côté pratiquement tous les scientifiques qualifiés, de l'autres quelques obstructeurs. Ne sont pas partie au débat un très grand nombre d'experts, y compris parmi d'autres le programme sur le changement climatique au MIT, qui critiquent le consensus scientifique parce qu'il est trop conservateur et prudent, soutenant que la vérité au sujet du changement climatique est beaucoup plus sinistre. Il n'est pas étonnant que le public soit troublé.

Dans son discours sur l'État de l'Union en janvier, le Président Obama a salué les perspectives brillantes d'un siècle d'autosuffisance énergétique, grâce aux nouvelles technologies qui permettent l'extraction d'hydrocarbures à partir des sables et schistes bitumineux canadiens, et d'autres sources précédemment inaccessibles. D'autres sont d'accord. Le Financial Times prédit un siècle d'indépendance énergétique pour les Etats-Unis. Le rapport mentionne, il est vrai, l'impact destructeur local des nouvelles méthodes. La question qui n'est pas posée dans ces prévisions optimistes est de savoir quel genre de monde survivra à cet acharnement rapace.

Les premiers à être confrontés à la crise sont dans le monde entier les communautés indigènes, ceux qui ont toujours maintenu la Charte des Forêts. La position la plus ferme a été prise par le seul pays qu'ils dirigent, la Bolivie, le pays le plus pauvre d'Amérique du Sud et pendant des siècles une victime de la destruction Occidentale des riches ressources d'une des plus avancées des sociétés développées dans l'hémisphère, avant Colomb.

Après l'écroulement ignominieux du sommet de Copenhague sur le changement climatique mondial en 2009, la Bolivie a organisé un Sommet Des Peuples avec 35,000 participants de 140 pays — pas seulement les représentants des gouvernements, mais aussi la société civile et des activistes. Il a produit un Accord Populaire, qui appelait à une très forte réduction des émissions, et une Déclaration Universelle sur les Droits de la Terre Mère. C'est une demande clef des communautés indigènes dans le monde entier. Elle est tournée en ridicule par les Occidentaux sophistiqués, mais à moins que nous puissions acquérir un peu de leur sensibilité, il est probable qu'ils riront les derniers — un rire de macabre désespoir.

Noam Chomsky est Professeur honoraire d'Institut au Département de Linguistique et de Philosophie du MIT (Massachusetts Institute of Technology). Il est l'auteur de nombreux best-sellers politiques, parmi les plus récents, Espoirs et Perspectives, Fabriquer l'Avenir et Occuper. C'est le texte intégral d'un discours qu'il a donné récemment à l'Université de St. Andrew en Ecosse. Son site Web est www.chomsky.info.

Copyright 2012 Noam Chomsky

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